« Écharpiller » est un terme ancien qui veut dire, en parlant de la laine, la démêler, la débarrasser de ses corps étrangers.
S’ÉCHARPILLER L’INTÉRIEUR est issue du renouvellement de la pratique de Karine LeBlanc. Par la création textile et dans la continuité de sa recherche sur la marionnette et le paysage sensible imaginé, le personnage devient abstrait et raconte à la fois son intériorité et le paysage culturel auquel il appartient.
S’ÉCHARPILLER L’INTÉRIEUR est aussi une méthode de travail qui met l’accent sur l’inconnu du résultat. Œuvrer dans le geste, sans savoir où les mains mènent la matière, force l’apparition de formes qui révèlent les mystères et les sensibilités de l’artiste et de ses personnages. Le travail répétitif est pour elle une façon de s’écharpiller soi-même, de démêler ses pensées et de faire connaissance avec ces formes étrangères inouïes qui nous habitent.
L’exposition présente ces corps étrangers extraits de la marionnette éclipsée de la pratique de l’artiste. Ils forment un ensemble coloré, spectral, organique évoquant un cercle intime s’unissant à l’inconscient du spectateur invité à écharpiller ses propres émois.
DÉMARCHE ARTISTIQUE
Karine LeBlanc crée des personnages féminins qui fabriquent compulsivement de l’imaginaire sur lequel s’appuyer afin d’évoluer dans leur intériorité. Ce qu’elles fabriquent envahit leur espace de vie. De facto, le lieu devient un univers de l’intime, un paysage sensible jusqu’à devenir complètement imaginé, voire abstrait. Elle explore sa porosité émotive, elle la matérialise afin de la permettre.
Elle conçoit des courtes formes marionnettiques poétiques avec peu de paroles émanant de la marionnette contemporaine dans lesquelles elle laisse une grande part d’interprétation au spectateur afin qu’il mette sa propre sensibilité à l’œuvre. C’est le moment où les frontières s’amincissent entre eux et qu’un lien se crée, une porosité entre deux êtres.
Karine LeBlanc fabrique des marionnettes, des scénographies et des objets textiles sculpturaux. Elle tisse, tricote, coud, crochète et teint de la laine, de la corde et des tissus en s’inspirant des techniques traditionnelles. Le travail manuel répétitif est primordial dans toutes les phases de sa création et de la diffusion. Il l’est aussi dans l’histoire de ses personnages. Un glissement s’opère entre elles par les mains, elles se rejoignent.
Elle pense qu’en mettant ses mains à l’œuvre, son travail laisse émerger l’intériorité. En travaillant le textile à la manière traditionnelle, Karine a l’impression de manipuler la fibre émotionnelle de toute sa culture portée par les mains des femmes.